DJAMEL SOUFI Un défenseur d’El Mahroussa
C’était un adepte de culture, d’histoire et de mémoire de la Citadelle.
Tel un couperet, la funeste nouvelle a coupé le souffle à tous ses très nombreux amis et proches qui, stupéfaits par cette brutale disparition, n’ont eu de cesse que de se remémorer les qualités humaines de Djamel, toutes chaleureusement tramées d’amabilité, de sociabilité et de gentillesse.
Natif de l’historique ex-rue de Thèbes au numéro 03, actuellement rue des frères Boudries père et fils. Aîné d’une famille de renom populairement connue à la Casbah, dont le père Si Mohamed Soufi fut, pendant de longues années, l’imam de la mosquée Djamaâ Safir, Djamel a ainsi grandi, pétri à la sève de ce terroir ancestral de culture, d’histoire et de résistance.
Il a gardé un souvenir vivace des lieux de mémoire de la cité antique dont les sabbats, rues et venelles n’avaient point de secrets pour celui qui, quotidiennement, les arpentait avec le bonheur de redécouvrir chaque jour des pans de civilisation de cette mythique vieille ville.
Médersien, trilingue, il a poursuivi en Algérie et en Europe de brillantes études en aéronautique pour occuper des postes de responsabilité et devenir un des cadres dirigeants de l’Entreprise nationale de la navigation aérienne C’est dans ce contexte que septuagénaire, il s’est investi dans l’univers de la recherche scientifique pour entamer l’élaboration d’une thèse de doctorat d’Etat en management, hélas inachevée par son décès subit et démontrer ainsi que la volonté et la persévérance n’ont point d’âge dissuasif pour la perfectibilité et l’évolution dans la vaste sphère lumineuse à l’infini du savoir et de la connaissance.
Avec la Casbah : un lien d’affectivité et une fidélité de mémoire
Par son attachement viscéral au patrimoine culturel algérien, il adhéra à l’Association des Amis de la rampe Louni Arezki, Casbah, pour en devenir le secrétaire général et s’atteler, avec motivation et abnégation, à la réappropriation des valeurs et repères d’algérianité à dessein de les transmettre en legs générationnel à la jeunesse pour leur préservation et leur pérennisation à travers les cycles des âges et du temps.
De toutes les actions culturelles initiées et menées en perspective de la promotion du patrimoine matériel et immatériel de la Casbah, Djamel, motivé et enthousiaste, se distinguait particulièrement par une constance d’attachement affectif à une résurrection et au rayonnement de la symbolique civilisationnelle de résistance plurimillénaire de la Citadelle.
Il en fut ainsi d’une journée thématique organisée par l’Association autour d’une rétrospective méthodologique d’un parcours hors du commun du savant Mohamed Bencheneb, un érudit d’universalité qui a été revisité en la circonstance, un 10 juin 2008. Cette rencontre pédagogique très instructive a été centrée sur une conférence-débats et une exposition bibliographique dans l’enceinte de la mythique Médersa d’Alger.
Celle-ci s’articulait autour de l’oeuvre incommensurablement riche de Mohamed Bencheneb qui a eu un impact fortement prégnant auprès d’une nombreuse assistance composée essentiellement d’habitants de la Casbah et de jeunes natifs du quartier qui porte son nom, ravis et fiers de découvrir la surdimension intellectuelle et les connaissances de cette légende du savoir.
Mohamed Bencheneb et la mythique Médersa d’Alger revisités
C’est en cette inoubliable circonstance que le vénérable faqih Cheikh Abderrahamane Djilali a tenu à nous transmettre ses félicitations et nous inviter pour le rencontrer à son domicile où nous nous sommes rendus, avec quelques membres de l’Association dont le regretté Djamel Soufi.
Dès les présentations d’usage, le Cheikh s’est adressé à ce dernier en ces termes : « Si Djamel avec l’imam Si Mohamed Soufi, n’y a-t-il pas un lien de parenté ? Oui, honorable Cheikh, c’est mon défunt père » lui répondit ce dernier. Et l’exégète de la réthorique disert ce jour-là pour nous conter des heures durant, dans l’émerveillement collectif, la matrice mémorielle de la cité antique. Ceci avec en substance une question posée à Djamel : « Que devient votre magnifique et belle douéra que j’ai connue ? ». « Elle existe et résiste toujours Fadilate Cheikh » lui a-t-il répondu.
Et à celui-ci d’ajouter d’une voix solennelle et attendrie cette évocation émouvante toujours gravée en notre mémoire : « Il faut en prendre jalousement soin pour la préserver en tant que repère privilégié d’histoire et de culture car, en dépit de tout, la Casbah est l’âme existentielle d’El Djazaïr qui survivra pour l’éternité en élément civilisationnel fondamentalement structurant de l’identité et de la personnalité algériennes. C’est un legs patrimonial d’ancestralité dont le devoir sacré nous incombe pour sa transmission à la jeunesse et aux générations montantes. »
De cette éducation traditionnellement familiale, Djamel a aussi hérité d’un don guttural exceptionnel pour l’interprétation du « Tadjouid » coranique dans un mode vocal rarissime et inimitable d’extase spirituelle originellement algérois. Il excellait de façon sublime dans l’art de la psalmodie de transposition et d’élévation d’âme au ressourcement sacré des préceptes philosophiques d’un islam de lumière rayonnant d’humanisme et d’universalité.
Subitement terrassé par la maladie et bien que très fatigué, Djamel Soufi, en adepte de tout sursaut salvateur pour la réhabilitation de la Casbah, a tenu à participer à la dernière Conférence internationale de l’Unesco organisée à l’hôtel El Aurassi du 21 au 23 janvier de cette année.
El Mahroussa en sa pensée et jusqu’au dernier souffle
Hélas, il n’a pu assister qu’à la rencontre préliminaire tenue la veille en présence du ministre de la Culture où il a pu péniblement, mais brillamment développer une remarquable intervention pour la revitalisation de sa chère médina qu’il adulait tant.
Ce fut malheureusement un de ses derniers instants empreints de lucidité, de courage et de dignité.
L’auteur de ces lignes qui participait dans ces conditions moralement difficiles et en son absence, tristement seul à la conférence, l’informait quotidiennement de l’évolution des travaux de celle-ci. Ainsi réconforté il en exprimait sa grande satisfaction traduite par ses voeux ardents formulés en perspective d’une option de renouveau tant attendu pour la cité historique.
Djamel Soufi a laissé une image expressivement indélébile de qualités et de valeurs humaines ainsi qu’un souvenir impérissable au sein de l’Association des Amis de la rampe Louni Arezki Casbah, dont il fut le secrétaire général modèle. Comme il fut également promoteur et animateur du mouvement associatif, par son engagement, sa disponibilité et sa démarche de communication efficiente et appropriée à l’essor de l’action citoyenne en société. Une mission bien accomplie à travers le parcours d’une vie laborieuse, dense et chaleureusement partagée avec sa famille, ses amis très nombreux et ses proches.
En compagnie de l’éminent penseur Cheikh Abderrahmane Djilali
Son exemple de rectitude, de fidélité en amitié et d’affabilité sera à jamais perpétué par tous ceux qui, aujourd’hui, l’évoquent avec affection pour implorer Allah Le Tout-Puissant de l’accueillir dans la Miséricorde de son Vaste Paradis.
A son épouse docteur Soufi Kaoua Nachida, à sa fille Bahia qu’il adorait pour l’appeler avec une profonde tendresse affective « Bahou », à sa famille, sa soeur Farida, son frère Mahmoud et à ses proches, l’ensemble des membres de l’Association des Amis de la rampe Louni Arezki Casbah, ainsi que les Associations culturelles de Sour El Ghozlane et de Miliana tiennent également à leur exprimer leurs sincères condoléances attristées et les assurer de leur soutien en cette cruelle épreuve partagée dans la ferveur du recueillement à la pensée du très cher défunt.
ADieu nous appartenons et à Lui nous retournons.